Le Mont Ararat vu par Robert Guédiguian

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Epilogue du film Le voyage en Arménie :

    En 2006, Robert Guédiguian a lui aussi réalisé un film sur l’Arménie d’où est originaire son père. Dans ce film, Le voyage en Arménie, l’Ararat est omniprésent, sous forme de représentations (peintures, photographies), mais aussi « réellement » puisqu’il constitue la toile de fond de la ville d’Erevan où se déroule l’action. Comme dans le film Nous de Pelechian, l’Ararat est aussi la dernière image du film de Guédiguian. Grâce aux paroles qu’il met dans la bouche de son personnage, Manoug, le cinéaste français éclaire le spectateur non arménien sur l’importance de ce mont.

    « Tu vois ? Le mont Ararat. [...]

   Qu’est-ce qu’un homme sans rêve ? Est-ce seulement un homme ? Mon rêve, c’est cette montagne.

   Tu verras... Les Turcs vont nous la rendre, un jour. Elle ne représente rien pour eux. En plus, il n’y a rien là-bas. Il n’y a pas de fer... Pas d’or... Il n’y a même pas d’herbe pour les chèvres.

    On pourrait croire que les Turcs ne sont pas comme nous. A cause de ce qu’ils ont fait. Ce n’est pas vrai.

Les Turcs vont nous la rendre parce qu’ils savent que cette montagne est notre rêve. Ils se sentiront mieux après.

    Ce jour-là, Anna, quand le mont Ararat sera revenu dans l’Arménie, j’irai m’asseoir sur la pierre. J’allumerai une cigarette et je fumerai tranquillement.»

    Dans un entretien mené par Frédéric Mitterrand lors d’une émission de radio, Robert Guédiguian approfondit l’analyse de l’importance de l’Ararat pour le peuple arménien :

    « J’assume le paradoxe, c’est-à-dire, je ne suis pas loin de penser que le fait qu’il soit inatteignable fait que ça demeure très très beau. Je crois qu’il faut qu’on ait un rêve inatteignable. Il faut qu’on ait toujours un rêve. En tout cas, on ne peut pas vivre sans le rêve d’une chose ; comme disait Marx, je crois que l’humanité doit rêver de quelque chose. Evidemment, si on obtient cette chose-là, il faut rêver de quelque chose d’autre. Donc ce paradoxe-là de la fin du film, je le signe volontiers comme étant un paradoxe, mais un paradoxe nécessaire. C’est vrai que, à la fois il y a tous ces Arméniens qui sont comme des enfants devant des vitrines à Noël, devant des cadeaux inaccessibles qu’ils n’auront jamais, mais à la fois, c’est vrai que s’ils atteignaient ce mont Ararat, je crois que quelque chose de l’arménité disparaîtrait. Il faudrait réinventer autre chose.»

Robert Guédiguian