Figure de la boucle

    Pelechian utilise souvent un procédé que l’on pourrait appeler une boucle : il monte plusieurs fois à la suite le même plan. Cependant, les raccords entre ces plans répétés sont invisibles. Ceci vient du fait que les deux photogrammes accolés sont identiques ; le dernier photogramme du premier plan est le même que le premier photogramme du deuxième plan. Cela est possible car en fait le deuxième plan n’est pas tout à fait identique au premier ; il est le plan originel mais « en lecture arrière ».

    Cette utilisation de la lecture arrière constitue une sorte de remontée dans le temps. La répétition de l’alternance « avant /arrière » semble être une hésitation, Pelechian semble réfractaire à laisser se dérouler le temps. Cette boucle joue un rôle de « retardateur ».

 

Deux exemples de boucle issus du film NOUS

    Outre l’effet de retardement produit, la boucle permet de s’arrêter sur une image sans la figer et sans rendre non plus gênant le raccord entre les répétitions. Ainsi, « l’arrêt » sur la fillette aux cheveux bouclés, ou plutôt la longueur de sa présence à l’écran, permet d’augmenter l’intensité de son regard-caméra, et l’impact de cette image sur le spectateur. Dans le cas du plan de foule, l’effet recherché est différent, même s’il naît lui aussi de la durée à l’écran du plan. Ici, la répétition entre aussi en jeu. La foule et la caméra sont en mouvement. L’association de ces déplacements à l’alternance des lectures « avant-arrière » crée un nouveau mouvement : celui d’une vague. La foule devient littéralement une marée humaine, soumise aux mêmes mouvements que ceux de la mer, flux et reflux. De plus, le cadrage, en plongée, et la densité de la foule contribue à son abstraction ; le montage en boucle fait ainsi naître la métaphore.

La boucle de la fillette expliquée

La boucle de la foule