Le Mont Ararat de Pelechian

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    Alors que chez les cinéastes issus de la diaspora arménienne,  l’Ararat est un motif central, ou du moins largement développé et expliqué, il devient chez Pelechian un rapide élément conclusif. Paradoxalement, il n’en acquiert que plus de force. Tout le discours que Guédiguian met dans la bouche de son personnage

Manoug, Pelechian le suggère en deux plans et un raccord : regard des habitants sur le balcons / Mont Ararat. C’est donc en arménien, mais surtout en poète, que Pelechian évoque l’Ararat. La séquence vient clore le film Nous, et elle est très courte.

 

EXTRAIT

   Plan noir et silence, musique puis plan frontal (avec un zoom arrière) de l’immeuble et des habitants, plan en contre-champ de l’Ararat (avec un léger zoom arrière), titre, plan abstrait avec fermeture au noir, accompagné d’un souffle, mot FIN.

REVE ARMENIEN

    Ce découpage sec ne révèle rien de la façon dont cette fin va résonner dans l’esprit de chaque spectateur. Pelechian, s'il est arménien, est avant tout un poète et s’il n’explique absolument rien, il dit beaucoup en suggérant, c’est toute la force de son montage.

   Le plan du balcon, grâce à la musique, s’enrichit d’une image absente, celle de la fillette qui s’impose en filigrane. Les habitants au balcon et la fillette regardent la caméra, interpellent le spectateur, et, quand arrive le contrechamp, quand apparaît l’Ararat, le spectateur partage alors leur vision, l’Ararat, le rêve arménien.

   Si l’on ne connaît pas l’Arménie, l’Ararat, ce sommet étincelant, sera le rêve personnel d’un sommet à conquérir.

   Cette image de l’Ararat donne aussi du sens aux plans de montagne montés périodiquement depuis le début du film. Cette image de l’Ararat, ce rêve de l’Ararat était en fait présent, en transparence, sur toutes les montagnes, mais sa vision ne se concrétise formellement que dans cette conclusion du film.

   Après le titre « Nous », Pelechian monte un plan abstrait associé à une fermeture au noir, et accompagné d’un « dernier souffle ».         Ce souffle semble agir sur le cadre, comme on éteint une bougie, il amène le fondu au noir et le silence. Le noir et le silence pour permettre au spectateur, de « s’impressionner », comme de la pellicule, des images poétiques, et pour laisser les images se « révéler » et les sons résonner avant que le spectateur ne retrouve la réalité.