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Le Mont Ararat vu par Atom Egoyan

 

CALENDAR  

     Un autre cinéaste issu de la diaspora arménienne a réalisé un film où l’Ararat occupait une place particulière, Atom Egoyan. En 2002, il signe un film portant pour titre le nom du fameux mont, Ararat. Né en 1960 en Egypte de parents arméniens, Atom Egoyan a grandi et vit aujourd’hui au Canada, où habitent de nombreux Arméniens. Il commence à faire des films en 1979. Mais il ne faut pas attendre Ararat pour qu’il soit question d’Arménie ; dès 1984, dans Next of kin, est mise en scène une famille arménienne de Toronto. En 1993, Atom Egoyan tourne Calendar où il joue lui-même le rôle d’un photographe canadien parti faire des photographies d’églises arméniennes pour illustrer un calendrier. Sa femme (Arsinée Khanjian), elle-même d’origine arménienne, lui sert de traductrice ; au terme de ce voyage, elle décide de rester en Arménie, lui, rentre au Canada. Ainsi sont abordées les questions du retour à la « mère-patrie », même si celle-ci est très différente de celle quittée par les parents, du lien que l’on peut avoir avec un pays où l’on n’a jamais vécu mais dont l’histoire est très fortement ancrée dans le passé familial. Et l’un des premiers plans du film présente le mont Ararat.

Calendar, 1993

ARARAT  

    Avec le film Ararat, Egoyan aborde frontalement le problème du souvenir du génocide et de sa reconnaissance par les Turcs. Ararat met en scène trois générations de personnages qui ont donc des rapports différents au génocide. Des témoins directs du génocide sont présents : un rescapé, le peintre Gorki, et un missionnaire américain (lui- même personnage d’un film en train de se tourner dans Ararat). Dans la « deuxième génération», dont Atom Egoyan fait partie, on trouve comme personnage Edouard Saroyan, réalisateur qui tourne un film sur le génocide arménien, et Ani, universitaire biographe de Gorki. Ce sont eux qui mènent le combat de la reconnaissance du génocide. Enfin, il y a la « troisième génération » (personnages de Raffi et Celia) qui a vingt ou trente ans aujourd’hui et qui tente de gérer cette mémoire reçue en héritage, tente de la comprendre, de la faire sienne, mais se heurte à l’absence de traces du passé, même sur le sol historiquement arménien. A la différence de Pelechian, tous ces personnages et metteurs en scène ne sont pas restés en Arménie. Ararat est un film d’un cinéaste canadien.

LICENCE POETIQUE  

    Cependant, la vue de l’Ararat est un « nœud » de l’intrigue ; dans le film que tourne Saroyan sur le siège de la ville de Van en 1915 par les forces ottomanes, le réalisateur joué par Charles Aznavour, compose son décor avec le mont Ararat. Ani, consultée comme historienne, fait remarquer que l’Ararat n’est pas visible de la région de Van. Mais pour le réalisateur, la présence de l’Ararat est nécessaire : « Le mont Ararat. Quand j’étais petit, ma mère me disait qu’il était à nous, même s’il était très loin. Et je rêvais de l’englober dans ce que j’étais. Ce que je suis devenu ». Or c’est aussi ce que fait le fils d’Ani, Raffi, en partant en Arménie afin de mieux comprendre qui il est, descendant d’exilés arméniens et fils d’un homme qui a été tué en tentant d’assassiner un diplomate turc. Il en rapporte notamment une image de l’Ararat tournée avec une caméra vidéo (montée juste avant l’Ararat du décor du film). Pour Rouben, assistant de Saroyan, l’Ararat en toile de fond de Van se justifie ainsi : « licence poétique ».

Ararat, 2002