Figure de la spirale

 

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UNE QUESTION DE CIRCULARITE    

    La construction de chaque film de Pelechian, comme sa filmographie, est circulaire. Ainsi, le moment le plus fort du film peut être au début, et, pour boucler la réflexion, peut être répété à la fin, chargé d’une nouvelle émotion, d’une nouvelle signification.

 

LA SPIRALE

        La spirale a pour particularités d’être circulaire, spatiale (au sens de figure non plane), d’induire une idée de mouvement (le mouvement implique les notions d’espace et de temps) qui ne repasse jamais par le même point. Son avancement est perpétuel, elle ne revient jamais en arrière. Ayant un mouvement circulaire, elle passe plusieurs fois « à la verticale » de points qu’elle a déjà parcourus, mais à un niveau supérieur et avec un rayon amplifié. La spirale a un lien particulier avec le temps : elle peut le représenter. L’inéluctabilité, l’avancement continu, l’impossibilité du retour (même si des événements semblent revenir), sont autant de qualités qui les concernent tous deux, spirale et temps, et qui parlent aussi du cinéma de Pelechian. Si l’on adapte la figure de la spirale aux films du cinéaste arménien, chaque « ressort » de la spirale ayant un rayon plus important que le rang précédent correspond à une occurrence d’un plan ou d’une séquence « importante » ou à une « grosse perle » pour reprendre la comparaison du chapelet de Barthélemy Amengual.

    A cette circularité qui structure les films et l’œuvre entière de Pelechian, on peut ajouter la troisième dimension : la profondeur. D’une forme circulaire, on passe alors à la sphère, forme de la Terre. Pelechian dit d’ailleurs que « le montage à contrepoint crée au départ une figure circulaire, ou, plus précisément, une figure sphérique tournant sur elle-même ». Artavazd Pelechian - Le montage à contrepoint, ou la théorie de la distance, Trafic, n°2, printemps 1992.


LE TEMPS, LA 4ème DIMENSION

    Mais, pour aller plus loin dans l’assimilation du cinéma de Pelechian à des figures géométriques et être plus précis, on peut ajouter une quatrième dimension, celle du temps. Le cinéma est un art du temps. Et le temps est une donnée primordiale du cinéma de Pelechian, que ce soit dans la diégèse, puisque l’Histoire (au sens de récit des événements passés et non d’intrigue) est au cœur de l’œuvre, ou dans la conception même qu’a le cinéaste de son art. La figure qui semble le mieux représenter le cinéma de Pelechian devient alors la spirale.

PELECHIAN EXPLIQUE :

« Le moment culminant peut être le début, le montage peut n’obéir à aucune loi établie de progression du récit. C’est une question de circularité : d’où que tu regardes la Terre, elle est circulaire, une image doit l’être aussi et le film dans son ensemble, à la manière d’une vision holographique, dont chaque fragment contient le tout ».

   Entretien avec Pelechian réalisé par François Niney en mai 1991 pour Les Cahiers du cinéma, n°454, avril 1992.